Entre humour régional et crispations symboliques, un débat saisonnier soulève des questions plus profondes sur l’appartenance et le vivre-ensemble.
« La mer ne connaît pas nos rivalités. Elle nous rassemble, si nous l’acceptons. »
Chaque été, sur les plages du nord du Maroc, un débat familier refait surface. Les habitants de Tétouan, M’diq, Martil et Fnideq échangent piques et affirmations identitaires autour d’un sujet en apparence anodin : à qui appartient la mer ? Tétouan, bien qu’historique et centrale, a-t-elle « vraiment » une plage ? Ou la mer revient-elle exclusivement aux villes côtières ?
Derrière cette question, souvent formulée à la légère sur les réseaux sociaux ou entre amis, se cache en réalité une tension symbolique plus profonde, révélatrice d’un besoin d’affirmation locale et d’une conception parfois étroite du territoire.
Un besoin d’appartenance projeté sur la mer
Géographiquement, la question ne devrait pas faire débat. Tétouan, bien que légèrement en retrait du littoral, est étroitement liée à Martil, M’diq et Fnideq, qui forment un ensemble cohérent. Le littoral est partagé, ouvert, accessible.
Mais l’enjeu n’est pas géographique. Il est identitaire. Pour certains habitants, affirmer que « la mer nous appartient » devient un acte symbolique. Face à ce qu’ils perçoivent comme une centralité culturelle de Tétouan, ils affirment leur présence, leur spécificité, leur droit au littoral. La mer devient alors un territoire d’ego collectif, un miroir dans lequel se projettent des sentiments d’invisibilité ou de rivalité.
Une opposition construite sur des perceptions
Tétouan, ville à l’histoire dense, est parfois vue comme « dominante » dans le discours régional. Cela suscite, chez certains riverains, une réaction de repli : « Ici, c’est notre mer. » Ces dynamiques ne sont pas propres au nord du Marocelles existent partout où la centralité d’une ville est ressentie comme une forme d’hégémonie.
Mais cette lecture réductrice empêche de voir une réalité plus féconde : la complémentarité. Tétouan offre le patrimoine, Martil l’énergie balnéaire, M’diq l’animation estivale et Fnideq la vitalité économique. Ensemble, ces villes forment un territoire vivant, riche, diversifié.
Une opportunité manquée : penser la mer comme un bien commun
Réduire la mer à une rivalité locale, c’est négliger sa véritable nature : un espace ouvert, libre, marocain. Aucun panneau n’y sépare Tétouan de M’diq, ni Martil de Fnideq. Ce littoral appartient au pays tout entier, et à ceux qui savent le préserver, l’aimer et le partager.
Dans un Maroc moderne qui cherche à renforcer la cohésion territoriale, il est essentiel de dépasser ces fractures mentales. Le développement régional ne se bâtira pas sur la compétition identitaire, mais sur l’interconnexion, la solidarité, et la fierté partagée.
Conclusion : la mer comme horizon d’unité
Il est temps de transformer cette vieille question « À qui la mer ? » en une réponse claire et sereine : à nous tous.
Que l’on vienne de Tétouan, de Fnideq, de Martil ou d’ailleurs, la mer est un bien commun. Elle ne demande qu’à être vécue ensemble, loin des frontières invisibles que nous dressons dans nos esprits.