Ce printemps, le Musée Juif de Belgique et Paul Dahan du Centre de la Culture Judéo-Marocaine (CCJM) ouvrent leurs portes pour présenter, à partir d’hier (26 avril), une exposition captivante intitulée « Tanger. Ville mythique » : une collection diversifiée d’archives et d’œuvres d’art.
L’exposition « Tanger Mythique » est une invitation à un voyage dans le temps et l’espace. Dans le livret de présentation de l’exposition, le Centre de la culture Judéo-marocaine met en exergue la qualité principale de Tanger qui est d’être une passerelle entre l’Afrique et l’Europe, un phare occidental de la Méditerranée, et qu’elle a toujours occupé une place à part dans l’histoire du Maroc. Elle y est aussi qualifiée d’enclave tactique en Afrique du Nord propice au développement du commerce et de la diplomatie, un carrefour de civilisations et un lieu de rencontre des cultures arabes, juives et chrétiennes.
Cette belle ville a inspiré une pléiade d’artistes-peintres. Le livret de l’exposition citeles Français Eugène Delacroix (1798-1863) et Alfred Dehodencq (1822-1882), les Belges Victor Eeckhout (1821-1879) et Jean-François Portaels (1818-1895), ainsi que le Suédois IwarDonnér (1884-1864), parmi d’autres génies, qui ont immortalisé « Tanger intime » (scènes d’intérieur) et publique (vues extérieures), témoignages sensibles de l’histoire de la cité et de ses habitants au fil du temps, pérennisant ainsi sa dimension mythique.
Leurs confrères les photographesont reproduit, rappelle le même document, les costumes et les parures des tangérois, les architectures mauresques, les intérieurs raffinés et autres paysages ruraux ou urbains pittoresques. Dans ce cadre s’inscrit l’œuvre de l’Écossais George Washington Wilson (1823-1893), qui a contribué à la popularisation outre-Méditerranée des costumes juifs et musulmans tangérois et tétouanais ; et l’œuvre d’Antonio Cavilla (1867-1908), auteur de vues du marché, de la kasbah ou de la mosquée de Tanger, des portraits d’habitants du Rif, des scènes de genre (musiciens, maternité, couples) ou de rassemblements populaires, qui ont été reprises par de nombreux journaux de presse anglaise et espagnole des années 1880-90, publiées en tant qu’œuvres artistiques à part entière pour certaines.
Le même document révèle dans la partie réservée aux bijoux et costumes que dans l’art du vêtement, l’influence espagnole prédomine, surtout à partir du XVe siècle, héritage des Juifs de la péninsule ibérique et du Portugal exilés sur le sol marocain, ainsi que des nombreux Musulmans d’Andalousie expulsés. La grande robe cérémonielle sépharade, dite keswa el-kbira ou berbérisca, est emblématique de ces migrations en Afrique du Nord. De plus, la profession de bijoutier est essentiellement exercée par les Juifs, autorisés à manipuler l’or et à en faire commerce.
La gravure est certainement l’un des modes d’expression privilégiés des artistes pour représenter la ville de Tanger depuis le XVIIe siècle. Les politiques successives de colonisation et de protectorat du Maroc par l’Espagne, le Portugal et la France donnent lieu à des représentations plus ou moins normées de Tanger et de sa population, telles que le présentent certaines aquarelles de Delacroix transposées en lithogravures (Maures de Tanger, Juive de Tanger et sa servante maure), les « types » colorés de Brandin édités à Paris chez Garnier Frères en 1883 (Femme et enfant de Tanger), ou les illustrations de journaux et de revues spécialisées européennes (The Illustrated London News).